Inscriptions du tombeau de Montaigne
Localisation : Musée d’Aquitaine, Bordeaux

Introduction
Inscriptions du tombeau


Introduction

Sur l’Ephéméride de Beuther à la page du 13 septembre, on peut lire ce qui suit, selon toute vraisemblance écrit par Françoise de la Chassaigne, veuve de Michel de Montaigne : « Cette année 1592, mourut Michel seigneur de Montaigne, âgé de 59 ans et demi ». Léonor, sa fille, a ainsi complété la note : « à Montaigne. Son cœur fut mis dans l’église Saint-Michel et Françoise de la Chassaigne, dame de Montaigne,  sa veuve, fit porter son corps à Bordeaux et le fit enterrer en l’église des Feuillants où elle lui fit faire un tombeau élevé et acheta pour cela la fondation de l’église ». (Texte original ici-même dans « Beuther » diplomatique).

Lontemps conservé depuis dans la Faculté des Lettres, à l’emplacement même qu’il occupait chez les Feuillants, le tombeau de Montaigne est aujourd’hui au Musée d’Aquitaine. Sous le gisant, de chaque côté de la cuve, les deux épitaphes sont gravées en lettres d’or sur marbre noir, l’une en latin, l’autre en grec. Quatre médaillons ovales répartis deux par deux complètent ce jeu d’inscriptions. L’épitaphe latine, attribuée par R. Dezeimeris à Jean de Saint-Martin, a été précédée d’une ébauche manuscrite, retrouvée par Jules Delpit parmi les papiers de Godefroy Malvin, ancien collègue de Montaigne au Parlement et cousin de sa femme, Françoise de la Chassaigne, qui a fait édifier le tombeau. Il est intéressant de pouvoir comparer les deux moutures. On y voit en particulier que le nom de Léonor disparaît pour ne laisser que celui de Françoise.

Au milieu de feuillages de chêne, la longue inscription latine consacre le monument à Michel de Montaigne, modèle de sagesse et d’humanité durant sa vie comme devant la mort. L’ébauche manuscrite soulignait de plus sa parfaite maîtrise du discours « pro et contra », à la fois scolastique et sceptique. Au milieu de feuillages de laurier, l’inscription grecque, tout aussi longue, en distiques élégiaques, le fait parler lui-même et sans modestie : ce dieu est retourné au ciel, loin des querelles intestines fomentées par l’envie. On y salue en particulier l’alliance qu’il a su opérer entre christianisme et scepticisme ­— et ce trait rappelle que Gentian Hervet, dans sa préface à Sextus, recommandait aux catholiques l’usage apologétique du scepticisme pyrrhonien… Sans doute inspirées par l’épouse ou validées par elle, les deux inscriptions témoignent de la toute première réception posthume de Montaigne.

Source : A. Legros, « Deux épitaphes pour un tombeau », in Montaigne et sa région, numéro spécial du Nouveau Bulletin de la Société Internationale des Amis de Montaigne, IV, 2e semestre 2008, p. 391-400, avec illustrations et références bibliographiques (J. Lapaume, R. Dezeimeris, Ph. Desan, J. Balsamo, O. Millet).


Alain Legros, 3 septembre 2013

 



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